Tokyo, Paris, Chicago, Jackson Hole

par 2.09.2024Finance

Chronique des marchés – Septembre 2024

Août 2024 : l’effet papillon !

Si juillet a été particulièrement animé comme nous le relevions abondamment dans la chronique du mois dernier, août en a « remis une couche ».

Une hausse mineure (15 points de base) des taux directeurs au Japon le 31 juillet a réussi à provoquer une vague de fond de couvertures de positions à découvert sur le yen et par voie de conséquence de liquidations de positions longues dans toute sortes d’instruments de taux et d’actions. Il est vrai que ce mouvement s’inscrit dans un moment d’incertitude (comme il y en a parfois) sur la solidité de la croissance américaine et dans un contexte de faible liquidité. En quelques heures, l’indice phare japonais perdait 12 %, alors que le yen gagnait 8% contre le dollar (et toutes les autres devises dans de fortes proportions). On peut donc véritablement parler du fameux « effet papillon » (un battement d’ailes d’un papillon à Tokyo peut déclencher un ouragan à New York).

La panique fut en fait de courte durée, la plupart des classes d’actifs ayant récupéré les moins-values du 5-6 août en quelques semaines. Un des indicateurs particulièrement fiables aura été le marché du crédit, indiquant ainsi que les craintes de fort ralentissement conjoncturel étaient prématurées. Si Tokyo a été particulièrement agité en début de mois en raison des ajustements de la politique monétaire, l’actualité s’est vite déplacée vers Paris qui a réussi avec brio ses Jeux Olympiques (éclipsant momentanément la chienlit politique). Place ensuite à la « météorite » Harris et son intronisation officielle par le congrès du parti démocrate au cours de trois jours d’euphorie (le parti est-il vraiment à nouveau uni ?) à Chicago. En fin de mois, tous les yeux (comme chaque année à pareille époque) se sont braqués vers Jackson Hole pour les « universités d’été » des grands argentiers, et particulièrement sur J. Powell, susceptible de délivrer (enfin) un message clair sur la baisse des taux US. « The time has come… » a-t-il déclaré, donc septembre verra sans aucun doute le premier mouvement de baisse des taux directeurs américains après 11 hausses…

Le décompte final du mois est finalement très positif, avec du vert pour les actions, les obligations, l’immobilier coté et l’or ! Tout ceci dans un contexte de fermeté du franc suisse… Les marchés émergents participent (à l’exception récurrente de la Chine) également à la faveur de l’affaiblissement du dollar. L’élargissement de la cote se confirme avec la participation plus affirmée des valeurs secondaires et de secteurs comme l’immobilier ou la pharma restés très en retrait jusqu’à la fin du printemps. Sur le plan des devises, c’est le yen qui est la vedette, faisant suite à la hausse des taux directeurs de juillet. La fermeté du dollar de début d’année s’est complètement érodée ces derniers mois.

  

Évolution des principaux indices boursiers et économiques depuis le début de l’année (au 30.8.2024, en devises locales)

Source : XO Investments

 

Les indices de la prévoyance suisse progressent à nouveau en août pour s’inscrire en hausse de respectivement + 5,5% (pour LPP 25+) et +7,1% (pour LPP40+) sur l’année.

 

Le miracle de l’atterrissage en douceur

Les derniers indicateurs des directeurs d’achat (flash PMIs de S&P Global) pour les pays développés montrent quelques signes de légère reprise en août. L’expansion reste soutenue par les services, alors que l’activité manufacturière poursuit sa contraction. L’économie américaine demeure la plus robuste, alors que l’Angleterre et le Japon retrouvent leur meilleur niveau depuis 15 mois. L’Europe consolide ses perspectives de croissance juste au-dessus du niveau de 50. L’inflation confirme son recul, les banquiers semblent désormais plus confiants à propos du retour aux taux antérieurs à la crise de 2022.

 

Évolution (année sur année) des données « harmonisées », soit ramenées à des bases similaires, des taux d’inflation au sein des pays du G7. Les Etats-Unis sont en avance sur le reste du monde.

Source: Council of Economic Advisers/United States of America

  

Si la conduite de la politique monétaire reste un exercice plein d’incertitude, le tour de vis sévère opéré aux Etats-Unis depuis 2022 semble porter ses fruits, car la croissance ne s’est pas cassée au moment où les taux directeurs restaient accrochés à 5%. Pour l’heure, le contexte d’atterrissage en douceur reste d’actualité, malgré la recrudescence des craintes de récession (en raison de l’effet retard de taux élevés). Toutefois, la situation économique actuelle est moins toxique qu’en 2008 dans la mesure où les particuliers et les entreprises présentent des états financiers bien meilleurs. Les dettes privées sont largement réduites, alors que la dette publique n’a fait que progresser au cours des 15 dernières années.

 

Évolution de la dette des ménages en pourcent de leur fortune depuis 1980 : au plus bas !

Source : Julius Baer/Macrobond

 

En Suisse, les perspectives se sont quelque peu détériorées, comme l’indique l’indicateur UBS-CFA en août, ouvrant la voie à une baisse supplémentaire de 25 points de base de la part de la BNS selon la majorité des économistes interrogés. Enfin en Chine, nous ne voyons toujours pas de signes d’amélioration de la demande domestique.

Comme évoqué plus haut, L’inflation (en rythme annuel) ralentit de manière assez pédestre, particulièrement aux Etats-Unis. Nous considérons que la partie « facile » de la décrue semble passée. La publication le 30 août du « Core PCE » (indicateur préféré de la Fed pour l’inflation) pour juillet à +2,6% (+0,2% sur le mois ; parfaitement en ligne avec les attentes) ne devrait modifier en rien les intentions de réduction de taux mentionnées par Powell. La politique actuelle signifie toujours une posture assez restrictive. En Europe, les progrès sont désormais plus marqués, le taux en août en glissement annuel tombe à +2,2% soit le plus bas niveau depuis 3 ans. La Banque centrale européenne est donc aussi en passe de gagner son combat, ce qui ouvre également la porte pour une réduction supplémentaire des taux par Mme Lagarde et son équipe.

Tout le monde a (ou est sur le point de…) rallié le camp des colombes monétaire au sortir de l’été. Tout le monde sauf un : le Japon qui avait choisi une autre route, celle de laisser les taux très bas (quand tout le monde les montait) afin de stimuler la croissance et permettre le retour d’un peu d’inflation. Pari réussi, mais au prix d’une dévaluation massive de la devise et l’incitation de nombreux investisseurs à s’endetter en yen pour investir dans toute sorte d’actifs plus rémunérateurs. Les ennuis commencent quand la devise de financement s’apprécie et que son loyer augmente. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu (la Banque de Japon avait préparé le terrain), mais la hausse de fin juillet en a surpris plus d’un ! Le dénouement des positions a découvert fut brutal et rapide, causant des vagues dans le monde entier, à mesure que les appels de marges s’opéraient. Il est toujours difficile d’évaluer les montants adossés à ces stratégies. Le consultant Gavekal évoque un montant pouvant aller jusqu’à 3 trillions de dollars… D’après les données en provenance du marché des dérivés (Commodity Futures Trading Commission, CFTC) représentant les spéculateurs, le retournement des positions a été aussi brutal que rapide dès le 5 aout pour revenir en position nette longue aujourd’hui. Nous considérons que le gros du dénouement est probablement fait, mais pas totalement terminé dans la mesure où le différentiel de taux (USA-Japon principalement) reste important.

 

Évolution des positions « spéculatives » des acteurs non-commerciaux depuis 2014 (en nombre de contrats, source CFTC)

Source : Gavekal Research/CFTC

 

Les banquiers centraux sont donc en passe de réussir la manœuvre consistant à ramener l’inflation dans la bande de fluctuation souhaitée (aux environs de 2%), sans plonger les économies concernées dans la récession (mais le ralentissement est palpable, ce qui est normal). La prochaine réunion de la Réserve fédérale à mi-septembre devrait sceller la réduction de 25 points de base (prélude d’au moins deux baisses supplémentaires d’ici la fin de l’année). Une baisse plus marquée (50 points de base) pourrait être considérée comme un mouvement de panique, signe présumé d’une détérioration plus marquée de la conjoncture.

La campagne électorale aux Etats-Unis s’accélère et se clarifie, les positions des deux partis étant désormais connues. Chacun doit surtout s’atteler à convaincre un électorat indécis (ou encore en proie à un certain absentéisme quand les candidats sont peu inspirants), et plus spécifiquement dans les 6 états qui généralement font la différence. Le « rogneux » candidat républicain peine à trouver le bon ton et/ou les bons arguments pour rallier en dehors de sa base « aveuglée ». Mme Harris surprend par sa fraicheur et dynamise par son message positif et tourné vers l’avenir. Sera-ce suffisant ? Les deux prochains mois promettent d’être intenses et tendus. Pour l’heure, les sondages montrent deux partis au coude à coude.

Autre fait saillant en fin de mois d’août, la publication des résultats de Nvidia qui devient une sorte d’indicateur de santé (comme les chiffres du chômage ou de l’inflation) de l’économie et/ou du marché des actions. Le chiffre d’affaires trimestriel progresse de plus de 100% et la marge reste accrochée à 50% ! Par ailleurs, la société annonce un programme de rachat d’actions de 50 milliards de dollars. Enfin, elle annonce qu’elle reste sur une trajectoire de croissance très soutenue grâce à la prochaine commercialisation d’un produit plus évolué (Blackwell) dès l’automne. Cela s’est traduit par une baisse de quelques pourcents des cours, les bonnes nouvelles étant déjà largement escomptées. On peut dès lors se demander si l’amorce de rotation/élargissement de la cote américaine n’a pas désormais plus de raisons de se poursuivre, la technologie rentrant (temporairement peut-être) un peu dans le rang.

 

Nouveau leadership (performance en %) dans la cote américaine depuis deux mois (18 juin au 28 août) : immobilier, services publics et financières en tête, technologie en repli !

Source: FT/Unhedged « boring is the new sexy”

 

Comme attendu à l’entrée de l’été, la volatilité est de retour, déclenchant par moment des mouvements de cours erratiques et violents. Les investisseurs de moyen terme doivent éviter de réagir émotionnellement, comprendre les causes, maitriser les risques de leurs portefeuilles et tenir leur cap.

Les tensions géopolitiques et les violences semblent s’être intensifiées, tant au Proche-Orient qu’en Ukraine. La diplomatie peine toujours à changer le cours de l’horreur. Les blocs idéologiques sont figés, au mépris de la situation souvent désespérée des populations concernée. La fragmentation du commerce mondial et la montée du protectionnisme se cristallisent.

Malgré ces obstacles, nous considérons que l’économie mondiale est toujours assez résiliente, malgré des signes évidents de tassement. La liquidité mondiale reste suffisante pour porter la croissance et les marchés financiers. Les développements sur le front des dettes publiques demeurent en tête des préoccupations.

 

La baisse des taux va-t-elle aider les actions ?

Notre cadre de réflexion reste centré sur notre prisme « 5 D » : Démondialisation (que nous préférons appeler fragmentation), Digitalisation, Démographie, Décarbonation et Dettes. Les équilibres économiques, politiques et financiers changent de manière considérable dans le monde.  Par voie de conséquence, les investisseurs modifient graduellement leur positionnement et s’ajustent à un « cadre de croissance plus inflationniste et plus fractionné ».  Nous continuerons à nous adapter sans faire d’à-coups (si possible), aussi longtemps que la montée des risques géopolitiques ne fait pas déraper les prix des grands agrégats financiers (taux, énergie, dollar).

 

  1. Le sommet des taux directeurs est sur le point d’être franchi. Les colombes sont de retour (sauf au Japon). Les grands argentiers restent cependant sur leurs gardes, mais distillent des messages de détente.

     

  2. L’horizon sur les taux s’est soudain éclairci. Le creusement des courbes (« bullish steepening » ; baisse des taux courts plus rapide que celle des taux longs) est en cours. Ce sont toutefois les emprunts des échéances plus longues qui enregistrent les meilleures performances (par l’effet de la duration) depuis le mois de mai. Le reflux marqué des taux longs ces dernières semaines (et particulièrement depuis le minikrach japonais) incite plutôt à la prise de profits. La détente sur l’ensemble de la courbe permet aux marchés de taux de retrouver de la hauteur en termes de prix, amenant la grande majorité des indices à passer clairement en territoire positif depuis le début de l’année (référence à « hâte toi lentement » du mois dernier).

Nous maintenons notre approche diversifiée par segment (qui s’est révélée très rémunératrice sur des horizons de 1,3 et 5 ans, malgré 2022) en se concentrant majoritairement sur le dollar, l’euro et le franc suisse. Nous continuons à privilégier le crédit (qualité et surtout haut rendement) et les durations courtes à moyennes. En Suisse, le rendement à l’échéance des emprunts longs de la Confédération s’est approché de 0,3% en début de mois, ce qui ne laisse que peu de place à l’appréciation du capital.

 

Dynamique des prix (en %, devises locales) des marchés de taux (US, EU) en 2024

Source : BCV/LSEG Datastream

 

  1. La bonne dynamique des bourses en 2024 reste à l’ordre du jour, malgré les aspérités de la route empruntée. Les résultats restent globalement bien orientés, bien que de nombreuses entreprises dans les secteurs de la consommation font état d’un net ralentissement des affaires (Mc Donalds, Starbuck, LVMH, etc…). Les investisseurs semblent désormais se distancer d’une trop forte concentration sur quelques secteurs/titres. Sur le plan technique, la situation s’est détendue, le coup de semonce de début août après le parcours chahuté de juillet refroidissant l’ardeur des investisseurs de long terme, alors que les particuliers (principalement aux Etats-Unis) sont à nouveau partis à la chasse aux (présumées) bonnes affaires. L’atténuation de l’optimisme permet à chacun de reprendre son souffle et de bien mesurer le profil de risque de chaque portefeuille.

Le « monde ex-Magnifique 7 » semble se reprendre de manière convaincante. Tant le S&P500 équipondéré que le Monde Développé (sans les US) inscrivent des plus hauts et évoluent clairement au-dessus de leurs moyennes mobiles de long terme (les deux indices progressent de près de 12% depuis le début de l’année)   

Source : Julius Baer Research

 

Notre conviction d’un élargissement de la participation semble donc clairement se matérialiser. L’observation des attentes bénéficiaires pointe vers un rééquilibrage entre la Tech (qui a dominé tout le monde jusqu’au second trimestre 2024 aux Etats-Unis) et le reste du marché qui reprend une meilleure dynamique. Nous maintenons cette position, notamment dans le contexte de la baisse des taux et la résilience des indicateurs avancés de l’activité. Nous n’envisageons pas d’augmenter l’exposition aux actions avant l’automne. Le Japon présente toujours une opportunité (pour ceux qui n’y sont pas encore) à la faveur des reculs de cours de juillet/aout. La baisse du dollar et des taux semble donner un peu plus de dynamisme aux marchés émergents des actions (surtout en Asie), ce qui nous incite à reconsidérer la prudence de notre position, même si nous restons à bonne distance de la Chine.

 

  1. Les valorisations (toujours élevées aux Etats-Unis) semblent se détendre à la faveur de la robustesse des bénéfices et au ralentissement de la hausse des indices

Source : BCV/LESG Datastream          

 

  1. Au sein des actifs de diversification, les métaux précieux confirment leur position diversifiante. En effet, l’or continue son brillant parcours, ayant recruté de nombreux supporters en chemin. De nombreux facteurs semblent expliquer cette dynamique comme les tensions géopolitiques, la détérioration des finances publiques dans le monde développé, les vertus retrouvées de diversification dans les portefeuilles, mais aussi les achats importants et répétés de la part des pays émergents (tant des particuliers que des banques centrales). Si on projette une perceptive plus longue (comme le fait R. Amstrong dans son article du FT du 22 août dernier), nous constatons comme lui que sur une période plus de 20 ans, l’or a pleinement joué son rôle de préservation du capital et de diversification (tout en fournissant un hedge dans les moments difficiles). En fait, ce fut un meilleur « hedge » (dans un portefeuille multi-asset) pendant la Grande Crise Financière de 2008 et pendant les « pointes d’inflation » (2018 et 2022) que les obligations.

 

Performance en pourcent et en dollar des actions américaines (ligne bleu clair), des obligations du Trésor US (ligne bleu foncé), des obligations US indexées sur l’inflation et de l’or (de 1997 à 2024)

Source : FT Unhedged/Bloomberg

 

En ce qui concerne les métaux industriels (ou stratégiques), « l’électrification de tout » requiert toujours des quantités très importantes de différents métaux, au premier rang desquels on trouve le cuivre. Après le passage à vide de juin-juillet, nous observons une réelle reprise des cours en août. Nous conservons notre positionnement de moyen terme au travers de sociétés cotées bien gérées. 

 

Évolution récente des indices GSCI des métaux industriels : plutôt volatiles !

Source : S&P GSCI

 

De son côté, le pétrole semble tiraillé entre deux forces opposées. D’un côté, les tensions au Moyen-Orient maintiennent une pression à la hausse (risque d’approvisionnement), alors que les inquiétudes sur la croissance aux Etats-Unis et en Chine n’incitent pas les professionnels à accumuler des inventaires. La prévision en la matière demeure très aléatoire, mais nous considérons que le recul des prix et plutôt une bonne nouvelle pour les économies développées et par voie de conséquence les marchés financiers associés.

   

  1. A l’instar des valeurs secondaires longtemps délaissées, l’intérêt pour les actifs réels de qualité se manifeste (timidement) à nouveau. L’immobilier coté international bénéficie de meilleures perspectives concernant l’évolution des taux et de résultats d’exploitation généralement meilleurs qu’attendus. En Suisse aussi, le marché a retrouvé des couleurs.  
      
      

     

  2. Le franc suisse est en reprise généralisée depuis mi-mai malgré les réductions (et l’attente de baisse supplémentaire) de taux opérés par la BNS. Notre devise constitue le duo gagnant des dernières semaines avec le yen (soutenu par des interventions de la Banque du Japon qui semble soudain s’inquiéter d’une devise trop faible). La baisse de l’euro contre le franc s’est ralentie, mais le recul du dollar semble désormais un peu surfait.

 

Affaiblissement généralisé du dollar depuis avril, les supports vont-ils fonctionner ?

 

Les marchés imperturbables (… pour le moment)  

La résilience (pas d’effondrement anticipé) de la conjoncture mondiale reste le scenario central. Le minikrach de début de mois semble donc n’être qu’un phénomène essentiellement technique. Nous n’en négligeons pas pour autant l’importance, car la taille des positions à levier spéculatives est considérable (et potentiellement encore déstabilisante). Les angoisses géopolitiques ne diminuent pas, mais n’influencent toujours pas les grands agrégats monétaires et financiers. Les métriques de valorisation restent acceptables pour la plupart des marchés actions (encore onéreuses aux Etats-Unis et en Inde notamment) à l’aune de bénéfices d’entreprises qui progressent. Elles sont également attrayantes dans de nombreux segments des marchés de taux (même le crédit malgré des spreads qui restent bas en comparaison historique) et de l’immobilier coté. L’identification des sociétés dominantes (qui commandent des primes importantes par rapport à la moyenne) joue toujours un rôle prépondérant dans la construction de portefeuilles, mais il reste indispensable de porter son regard en dehors de la technologie également.  

 

La dernière livraison (août 2024) de l’enquête auprès des grandes sociétés de gestion et gérants institutionnels démontre un changement majeur de préférence (mesurée en % de changement d’un mois sur l’autre) : plus d’intérêt pour les obligations, l’immobilier et la santé notamment, moins d’intérêt pour les actions (!), le Japon et l’euro zone.

Source : Banque Syz/Bof Global Fund Manager Survey

 

Nous avons grandi professionnellement dans un contexte où les obligations de qualité permettaient d’offrir une véritable décorrélation pour encaisser les chocs boursiers. Le succès (en termes de risque/performance) des portefeuilles 50/50 ou 60/40 a été spectaculaire. Changement de décor dès 2021 avec la hausse de l’inflation (et par voie de conséquence la hausse des taux) qui a présidé à un renversement total des corrélations (de négatif à positif) : la hausse des taux a pénalisé toutes les classes d’actifs (actions, obligations et immobilier coté). Il nous apparait désormais que le retour à un niveau d’inflation plus conforme aux objectifs des banquiers centraux permet aux corrélations de revenir à une configuration négative (comme par le passé). Beaucoup de gérants ont constitué des positions importantes dans des actifs dit alternatifs pour palier à l’inefficacité (dans la diversification) des actifs traditionnels. Pour notre part, c’est l’or (et les sociétés actives dans les matières premières) et dans une certaine mesure l’immobilier qui jouent ce rôle de diversification.

Nous persistons à dire que le contexte actuel permet de construire des portefeuilles efficaces en privilégiant les actions de sociétés de qualité disposant de positions (technologiques, stratégiques ou encore géographiques) fortes, tout en s’appuyant sur une allocation obligataire qui présente un portage (« carry ») toujours intéressant. Nous n’envisageons pas de procéder à des mouvements importants dans les classes d’actif traditionnelles, mais bougeons progressivement vers une augmentation des positions dans les actifs réels et plus spécifiquement dans l’immobilier international coté. Ici, la sélectivité reste de mise car certains segments demeurent en difficulté comme les bureaux aux Etats-Unis. Nous ne procéderons à aucun changement de positionnement en fonction des sondages pour l’élection présidentielle, tant celle-ci restera incertaine jusqu’à son terme. La consolidation des marchés pourrait se poursuivre en septembre (généralement un mois compliqué pour des raisons de saisonnalité).

Nos portefeuilles diversifiés « classiques » demeurent composés d’actions (de l’ordre de 40 %), d’obligations (25 à 35 %) et d’actifs de diversification (convertibles, immobilier et infrastructure, métaux précieux) pour 20 à 30 %. L’automne promet d’être rempli d’incertitude, mais les marchés semblent capables de s’en accommoder aussi longtemps que l’atterrissage se fait sans douleur (voire que l’avion reprenne de l’altitude en 2025).  

 

Tannay, le 1 septembre 2024

Serge Ledermann

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